
Depuis 2019, les techniciens en radiologie médicale (TRM) fribourgeois revendiquent une revalorisation salariale. En février dernier, les TRM s’étaient mis en grève pour crier leur mécontentement face au fait que leur fonction soit classée en dessous en dessous des autres métiers de l'état de Fribourg bénéficiant d'un titre HES.
Après des mois de négociations avec l’État de Fribourg, ils obtiennent une partie de leurs revendications. Dès cet automne, un tiers environ des TRM employés par le canton de Fribourg pourront changer de classe salariale, respectivement passer de la classe 17 à 18. Les employés bénéficiant de ce changement assumeront des responsabilités supplémentaires, notamment dans le domaine de la coordination technique, de l’encadrement et du soutien à la conduite opérationnelle des équipes.  Une nouvelle fonction sera donnée au personnel concerné : « technicien thérapeute spécialisé » (TTS) et des formations complémentaires seront demandées. Ils continueront toutefois à revendiquer une revalorisation pour l’ensemble des TRM.
Nicolas Weber, président des alumni de l’HESAV (Haute école de santé du canton de Vaud) et diplômé technicien en radiologie médicale, s’est beaucoup investi pour défendre les intérêts de ses collègues TRM travaillant à l’Hôpital cantonal fribourgeois. Il nous partage dans une interview les dessous de son métier et de la grève qu’il a mené de front.
Nicolas Weber: Le métier de TRM est tout d’abord un métier de soignant, ce qu’on a tendance à oublier vu que la partie technique prend souvent le dessus vis-à -vis du grand public. Cependant, la radiologie est une branche très particulière, du fait que nous sommes avant tout un service de prestations.
Le TRM peut travailler dans 3 domaines bien distincts : le radiodiagnostic (réalisation de radiographies, fluoroscopie, scanners, IRM, mammographie, radiologie interventionnelle), la médecine nucléaire (réalisations de scintigraphie, PET-scanner, PET-IRM, SPECT-scanners, ainsi que toute la préparation en laboratoire des produits radio-pharmaceutiques et la gestion des cuves radioactives) et la radiothérapie (ou radio-oncologie) pour le traitement de cancer (planification des traitements, simulation, dosimétrie, traitement en soi).
Notre objectif est de prendre en charge de manière adéquate un patient et de réaliser son examen radiologique dans le but d’avoir une qualité d’image le plus optimale possible pour que le radiologue puisse interpréter les images et diagnostiquer sa maladie. Le plus intéressant dans notre métier est que nous travaillons à des postes très variés : chaque jour, chaque examen et chaque patient sont différents, on ne s’ennuie jamais ! Â
Actuellement, nous sommes 105 TRM travaillant à l’HFR, équivalent à 83 EPT (équivalents plein temps). Malgré notre petit nombre, les TRM sont un maillon de la chaine qui est au cœur de la médecine.
Sans la radiologie et donc sans nous, l’hôpital n’est rien et ne peut fonctionner normalement.
Nicolas Weber, alumni HESAV et TRM
La presque totalité des patients qui entrent dans un hôpital passera un jour ou l’autre dans un de nos services de radiologie. Le TRM est donc un poste clef dans un hôpital, il est indispensable pour assurer l’ensemble des prestations des domaines de la radiologie et le bon fonctionnement de l’hôpital.
Pour devenir TRM, plusieurs chemins sont possibles. Si on souhaite faire ce métier, le chemin « normal » serait de faire l’ECG, d’effectuer une maturité et ainsi avoir accès à la formation Bachelor HES-SO « Technique en Radiologie Médicale » de 3 ans. Actuellement, cette formation est proposée par la Haute Ecole de Santé Vaud (HESaV) à Lausanne ou la Haute Ecole de Santé (HEdS) de Genève.
Mon chemin a été un peu différent. Etant français, j’ai fait un Baccalauréat Scientifique, puis après un passage par la 1eannée de médecine à Strasbourg, qui m’a permis d’avoir un gros bagage théorique, je me suis réorienté, en 2006, en intégrant la HESaV à Lausanne pour 4 ans de formation Bachelor HES-SO à l’époque.
Cela fait maintenant 5-6 ans que nous avons débuté notre procédure de demande de revalorisation salariale pour notre profession de TRM.
Depuis 2019, étant sans réponse de la part du conseil d’état fribourgeois, nous leur avons mis un ultimatum, début 2024, en exigeant une réponse avant la fin d’année 2024.
Leur décision est tombée le 10 décembre 2024. L’état a décidé de ne pas revaloriser notre métier et a même dévalué notre profession de TRM en diminuant les points attribués lors de la dernière évaluation de 2009. Ce sont ces principales raisons qui nous ont poussées à faire grève !
Nous méritons une reconnaissance, une meilleure valorisation salariale du fait que notre métier a fortement évolué. Premièrement, le nombre d’examens radiologiques a explosé depuis plusieurs années, ce qui nous oblige à effectuer des gardes (week-end et nuits) de plus en plus exigeantes.
Deuxièmement notre champ de compétence a également énormément changé : en effet, il y a eu des glissements de compétence avec de plus en plus d’actes médicaux délégués, qui sont retombés sur la pratique et la réalisation des examens par les TRM ; des pratiques avancées ont ainsi dû être créées, accompagnées de nouvelles responsabilités de plus en plus exigeantes.
La formation HES est une formation très exigeante et très professionnelle, dont le but est de former des soignants compétents et autonomes dès le début de leur carrière professionnelle. Ceci est la réalité du terrain et une attente des hôpitaux et des milieux de la santé. Cette formation permet ainsi à la fois de s’épanouir dans le corps de métier choisi et d’être un professionnel de la santé accompli.Â
Le diplôme Bachelor HES est vraiment adapté à la société actuelle qui a d’énormes attentes, de nouvelles exigences et qui est globalement de plus en plus compliquée. Le titre Bachelor HES est là pour être en symbiose avec les autres professions parallèles de la santé et s’intégrer au mieux dans la vie active professionnellement.
Personnellement, je pense que les métiers de la santé doivent être revalorisés à leur juste valeur et être reconnu en tant que telle. Certes, tout le monde pense que les soignants ont choisi leur voix par vocation, mais derrière le masque du soignant se trouve une personne qui malheureusement doit faire beaucoup de sacrifices personnels (horaires irréguliers et obligation d'occuper un poste à 60-70% minmum pour vivre de manière correcte) et qui a surtout besoin de reconnaissance dans son travail.
Nous ne sommes pas des pions sur un échiquier, ni un numéro !
Nous avons besoin de nous sentir reconnus et d'avoir un salaire conséquent et égalitaire vis-à -vis de nos responsabilités. Notre charge de travail est en augmentation chronique depuis plusieurs années, de même que la compléxité de la prise en charge des patients.
Nous avons des vies humaines entre nos mains, nous subissons des pressions constantes, nous n’avons pas le droit à l’erreur lorsque nous prenons un patient en charge pour un examen et nous sommes moins bien reconnus que les métiers informatiques ; d’après vous, est-ce normal ?